
Le dilemme entre profit économique et préservation de l’environnement reste entier, mettant l’État face à la nécessité de renforcer ses contrôles et d’appliquer des mesures plus strictes pour protéger non seulement l’écosystème, mais aussi les citoyens.
La pollution de l’oued Méliane et ses répercussions écologiques inquiètent. Lors d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) tenue mercredi 5 mars, le ministre de l’Environnement, Habib Abid, a révélé que 71 entreprises sont responsables de la dégradation de ce cours d’eau, impactant directement les plages de la banlieue sud de Tunis.
Face à l’ampleur du phénomène, le ministre a affirmé que son département travaille activement à la résolution de ce problème et envisage des sanctions contre les entreprises fautives. Chaque jour, une dizaine d’infractions environnementales sont relevées sur les plages de Ben Arous, Soliman et les zones avoisinantes. En conséquence, 86 procès-verbaux ont déjà été dressés à l’encontre de plusieurs entreprises industrielles, dont certaines, il convient de le souligner, relèvent du secteur public.
Un plan pour renforcer l’assainissement
Des constats accablants et quelques pas en avant. Un accord a été signé avec 21 entreprises afin de lutter contre cette pollution persistante. Toutefois, outre l’industrie, plusieurs localités telles que Bargou, Jebel Ouest et Khelidia contribuent également à la contamination de cet important fleuve du nord-est. L’évacuation des eaux usées industrielles et agricoles reste un problème majeur.
Pour faire face à cette situation critique, le ministère prévoit également d’augmenter la capacité des stations d’assainissement en adoptant le traitement tertiaire des eaux. Un processus visant à supprimer les contaminants résiduels que le traitement secondaire n’a pas réussi à éliminer. Les entreprises industrielles ont été contraintes de mener des études sur leur impact environnemental et sont encouragées à bénéficier des programmes de coopération européenne dédiés à la protection de la rive sud de la Méditerranée. Par ailleurs, un appel d’offres a été finalisé pour l’assainissement des plages de Ben Arous, témoignant d’une volonté d’agir face à l’urgence de la situation.
Une réalité qui touche directement la population
L’année dernière, 18 plages ont été interdites à la baignade à cause de la pollution. Un constat alarmant qui pose la question récurrente de la responsabilité des industriels face à l’intérêt général. Le dilemme entre profit économique et préservation de l’environnement reste entier, mettant l’État face à la nécessité de renforcer ses contrôles et d’appliquer des mesures plus strictes pour protéger non seulement l’écosystème, mais aussi les citoyens.
Plusieurs pays ont déjà fait face à des problématiques similaires et ont réussi à inverser la tendance grâce à des initiatives ambitieuses. Prenons l’exemple de deux pays qui, il est vrai, disposent de moyens bien supérieurs aux nôtres. Cependant, leur expérience présente un intérêt certain et peut être adaptée aux ressources nationales. En Espagne, la dépollution du fleuve Manzanares à Madrid a été rendue possible grâce à un vaste programme de réhabilitation combinant traitements biologiques et implication citoyenne. De son côté, l’Allemagne a mis en place des réglementations strictes sur les rejets industriels, réduisant significativement la pollution du Rhin en l’espace de quelques décennies. Ces expériences démontrent qu’avec une volonté politique déterminée et des mécanismes de contrôle rigoureux, il est possible de restaurer des écosystèmes fragilisés pendant longtemps par de mauvaises pratiques.
Vers une extension à l’ensemble du territoire
L’exemple de l’oued Méliane doit servir de point de départ pour une politique environnementale plus globale. La Tunisie compte plusieurs autres régions touchées par une pollution massive, à l’instar de Gabès, où les rejets industriels des complexes chimiques menacent l’écosystème marin et la santé des habitants.
De même, à Sfax, la pollution générée par les industries phosphatières et les déchets urbains demeure un problème critique. Ces deux villes, loin d’être les seules à souffrir d’une pollution massive, organisent parfois des manifestations menées par la société civile et les habitants pour alerter sur la situation environnementale devenue insoutenable. Il est donc essentiel que les solutions éprouvées pour l’oued Méliane, le plus important fleuve après la Medjerda, soient déployées et adaptées à l’échelle nationale, afin d’assainir durablement le territoire et de préserver, à tout prix, nos ressources naturelles vitales.